Le Balcon - Sonntag aus Licht, le film

Sonntag aus Licht, le film

Karlheinz Stockhausen
Sonntag aus Licht
Un film de David Daurier
Direction musicale : Maxime Pascal | Mise en scène : Ted Huffmann

Jour de l'union amoureuse et mystique de Michaël et Ève, Sonntag ensorcèle les sens et clôt l'opéra LICHT.
Découvrez maintenant sur Philharmonie Live la captation complète des représentations de 2023, réalisée par David Daurier.

Voir le film sur Philharmonie Live

Scène 1 : Lichter-Wasser | Lumière-Eaux

La terre et la vie qu’elle abrite naissent de l’union de la lumière et de l’eau. Lichter-Wasser, qui est aussi le Salut de Dimanche, s’ouvre sur un duo avec synthétiseur entre Ève et Michaël, soprano et ténor, qui accompagnent ensuite l’entrée des musiciens de l’orchestre. Ceux-ci prennent place parmi le public, disposé en triangles orientés vers le centre et faisant de la salle une étoile. Chaque musicien a une lumière, bleue pour les dix-sept instruments aux registres aigus, correspondant à la formule de Michaël, verte pour les douze instruments aux registres graves, correspondant à la formule d’Ève. Les instruments ne jouent chacun qu’une note ou un bref fragment d’une de ces formules. La circulation des timbres qui en résulte suscite des tournoiements dans l’espace, sur deux couches simultanées et en douze vagues successives, à l’instar des planètes et des lunes du système solaire, dont les noms, les caractéristiques et la symbologie irriguent le livret. Le processus est interrompu par six ponts, qui fusionnent les deux formules, et par trois annonces, sorte de récitatifs. À la fin, les musiciens boivent de l’eau et se retirent, soprano et ténor entonnant un duo, tandis que les lumières continuent de briller.

Scène 2 : Engel-Prozessionen | Processions d’anges

Sept groupes d’anges se déplacent autour du public, exaltant l’amour de Dieu, « Esprit Saint du Cosmos », et célébrant l’union mystique de Michaël et d’Ève. Six de ces groupes, les Anges de l’eau (Anges du lundi, vert clair), les Anges de la terre (Anges du mardi, rouge clair), les Anges de la vie (Anges du mercredi, jaune clair), les Anges de la musique (Anges du jeudi, bleu clair), les Anges de la lumière (Anges du vendredi, orange) et les Anges du paradis (Anges du samedi, bleu foncé), chantent à six voix, respectivement en hindi, chinois, espagnol, anglais, arabe
et swahili. Le septième groupe, les Anges de la joie (Anges du dimanche, or), composé de quatre solistes, dont la soprano et le ténor de la première scène, est en allemand. Ces groupes produisent chacun une polyphonie à deux voix, dont la voix supérieure dérive de la formule d’Ève, et la voix inférieure, de celle de Michaël. Un tutti choral, de vingt-quatre voix au maximum, entoure le public, donne les premières syllabes des jours de la semaine et retient doucement des sons du dimanche, mais aussi du mardi et du mercredi, dans la superformule à l’origine du cycle Licht. Symbole de l’union mystique, les polyphonies s’allient peu à peu, au point que les chanteurs convergent, musicalement et scéniquement, vers une homophonie au milieu de la salle, avec iris et lys. La scène comprend sept phases de sept vagues. À travers 49 sections, non exemptes de tuilages, le texte, les gestes et les éléments issus des formules sont perpétuellement réorganisés. Il s’agit, en somme, d’une vaste procession de la dualité à l’unité.

Scène 3 : Licht-Bilder | Lumière-Images

D’abord intitulé « Vénération d’Ève-Marie », Licht-Bilder réunit 2 x 2 musiciens, dédoublant un duo : Ève (flûte et cor de basset) et Michaël (ténor et trompette), un quatuor que reflètent les quatre écrans et leurs « images de lumières ». C’est un chant de prière, de louange et de remerciement, comme un Gloria où les éléments, de l’infime à l’univers et au-delà, de la pierre aux astres et à Dieu, sont associés aux jours de la semaine, qui se succèdent au cours de la scène. Stockhausen a divisé 2 x 2 types de formules en 53 fragments (correspondant à l’addition des sept premiers nombres d’une suite de Fibonacci : 1 + 2 + 3 + 5 + 8 + 13 + 21), les a réordonnés sous forme rétrograde (de 53 à 1), et les a associés à des gestes horizontaux, verticaux, diagonaux et circulaires. L’union de Michaël et d’Ève est symbolisée par l’entrelacs de ces fragments et de ces gestes. Les parties de cor de basset et de ténor décalent et transposent la flûte et la trompette, elles-mêmes altérées par la modulation en anneau – distensions et contractions dans le temps et l’espace, du plus près au plus loin, et inversement, créant d’amples respirations. La structure est néanmoins brisée par plusieurs interludes, en duo, trio ou quatuor.

Scène 4 : Düfte-Zeichen | Parfums – Symboles

Alors que les sept emblèmes de Licht sont tour à tour expliqués par six solistes vocaux, sept parfums évoquent des zones géographiques: «Cúchulainn, un parfum d’origine celte, pour le lundi; kyphi, fragrance sacrée dont la formulation a été retrouvée sur les murs d’un temple de la vallée du Nil, pour le mardi; mastic, d’origine grecque, pour le mercredi ; le parfum italien rosa mystica, pour le jeudi ; tate yunanaka, composition aromatique utilisée dans les Andes, pour le vendredi; et pour le samedi, ud, le bois d’agar, un baume qui appartient à la tradition ancestrale de l’Inde. Le dimanche est réservé à un parfum plus connu, puisque utilisé dans les rites chrétiens : l’encens. » Sur sept podiums, les solistes, aux gestes et aux couleurs codifiés, enchaînent trois solos, trois duos et un trio sur les thèmes des jours de la semaine, qu’entrecoupent des séquences d’ensemble au rythme plus libre ; ils brûlent aussi un à un les parfums et en célèbrent l’origine et les bienfaits. Une voix d’alto retentit de l’extérieur de la salle et se présente comme Ève-Marie. Les six solistes courent, crient et chantent dans l’agitation, avant de revenir en procession avec l’alto pour un chant harmonique (Oberton-Gesang). Ève appelle Michaël, sous les traits d’un jeune garçon, entonne avec lui un duo mystique sur le podium central, avant qu’ils ne gagnent, derrière ce podium, un autre monde.

Scènes 5 et 6 : Hoch-Zeiten | Mariages

Célébration de l’amour, du mariage, de l’ange et de la nature, en cinq langues (hindi, chinois, arabe, anglais et swahili), empruntant à L’Exposition des saisons de Kâlidâsa, aux Odes de Hafez ou au manuel d’érotisme La Prairie parfumée du cheikh Nefzaoui, Hoch-Zeiten est joué simultanément dans deux salles distinctes, par cinq sextuors ou octuors choraux, dans l’une, et par cinq sextuors instrumentaux, en vis-à-vis, dans l’autre. À sept reprises, la musique de l’une des salles
est retransmise dans l’autre. Lors d’une seconde exécution, les spectateurs sont invités à changer de salle. Le découpage de la version orchestrale, aux superpositions complexes, est identique à celui de la version pour chœur, mais inclut cinq duos et deux trios, qui sont autant de réminiscences de moments essentiels des sept jours du cycle Licht, dans l’ordre de leur composition. Après une introduction, et mis à part deux inserts mélodiques, la forme est constituée de quatorze phases, de plus en plus transparentes. Ces phases, aux ornementations singulières et inspirées par les langues employées, déploient de denses harmonies déduites de la superposition d’éléments de la superformule. Les articulations sont signalées par des percussions live ou enregistrées (crotale, 4 rins japonais, 4 cloches-plaques, 4 gongs thaïlandais, 4 plaques en duralumin). Le chœur chante le même matériau que l’orchestre, mais avec un retard de dix-huit secondes, l’intrusion du premier dans le second agissant comme un écho, celle du second dans le premier comme une anticipation. Chaque groupe choral a d’abord sa propre langue, puis les langues se mêlent, jusqu’à trente échanges dans la quatorzième phase, avant un arrangement du Sonnstags-Lied [Chant de dimanche], extrait de Lundi de Lumière.

Sonntags-Abschied | Adieu du dimanche
L’Adieu de Dimanche est une version, pour cinq synthétiseurs, de la cinquième scène, Hoch-Zeiten, que l’on entend donc dans une troisième perspective. Il s’agit moins d’un arrangement que d’une traduction en sons synthétiques de l’original, jouée par cinq musiciens ou dont l’enregistrement, sur cinq pistes, est diffusé dans le foyer du théâtre. Comme dans Hoch-Zeiten, les registres sont placés du grave à l’aigu, de gauche à droite. Les aspects phonétiques, voire linguistiques, des textes originaux, en hindi, chinois, arabe, anglais et kiswahili, sont aussi préservés, comme les quatorze phases et deux inserts, avant le Chant de Dimanche, qui conclut la journée. Un large miroir incliné sur les synthétiseurs ou des caméras reliées à un système de projection vidéo sur cinq larges écrans permettent de voir les mains des instrumentistes. L’œuvre existe, dans une version pour synthétiseur soliste et bande des quatre autres parties, sous le titre Klavierstück XIX (Pièce pour piano XIX), mais aussi, sous le titre Strahlen (Rayons ou Radiations, 2002), pour vibraphone et glockenspiel, électroniquement filtrés et modulés.

 

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