
Robotique d’un lieu imaginaire
par Pedro Garcia Velasquez, compositeur
Dans Word and Music de Samuel Beckett, la musique est à la fois un personnage et une série de didascalies. Cette pièce ouvre notre esprit à l’imaginaire d’un lieu fictif, quasiment vivant et animé grâce à la musique ; à titre personnel, elle m’a inspiré le cycle Théâtre acoustique, entamé il y a six ans.
Pour un compositeur, partir d’un texte aussi innovant et profond est un défi rare. D’une certaine manière, la musique est, par le biais de didascalies omniprésentes et précises, déjà écrite par Beckett, ce dernier laissant tout de même de grands champs de liberté au compositeur ; les choix dans l’orchestration ou dans la nature même de la musique jouée en font partie.
Nous imaginons ce lieu fictif comme un grand château en ruines, dans lequel un roi déchu se tiendrait seul avec ses deux derniers serviteurs, Words et Music. Partant de cette base, nous pensons à un orchestre composé d’instruments symphoniques, accompagné d’un dispositif permettant une diffusion du son en trois dimensions et d’un réseau de bras robotiques jouant des percussions. Les robots joueraient ainsi en suivant les humeurs du lieu, se réveillant quand celui-ci se réveille, s’agitant lorsqu’il s’agite, etc…
Le dispositif de ce lieu-musique serait donc constitué d’un réseau de robots disposés sur scène et dans la salle (I), de musiciens (II) et d’un dispositif de son 3D (III), le tout dévolu à l’animation d’un lieu imaginaire par la musique.
Sur le plan technique, nous sommes dans le processus de construction et de programmation des bras robotiques ; nous les fabriquons pour la plupart à partir de plexiglass découpé au laser, que nous assemblons ensuite. Nous utilisons principalement des servomoteurs et micro servomoteurs pour
la précision et l’agilité. Nous les contrôlons par des Raspberry-pi en réseau, de manière à former un véritable orchestre d’automates.
À mesure que notre travail avance, nous explorons davantage de matériaux et de techniques de fabrication pour obtenir une plus grande palette de timbre et de nuances, une attaque plus forte et une plus grande liberté dans leur dessin, leur forme et leurs mécanismes d’action. Sur le plan informatique, nous collaborons avec Martin Fouilleul (IRCAM), qui développe un mécanisme destiné à coordonner avec précision et fluidité des réseaux d’objets sonores.
Enfin, certains des instruments joués par les robots ainsi que certains des objets qui composent le lieu imaginaire sont des œuvres de la plasticienne Marion Flament, qui collabore également à l’élaboration des formes des bras robotiques.